• Le besoin de démystifier l’Histoire

     La statue inauguré en juillet 2019 à Broons. Photo de Pascal Bouillon

     

    Il y a quelques jours était inaugurée une statue de Bertrand du Guesclin dans la commune de Broons. Un personnage qui, durant longtemps et aujourd’hui encore, fait polémique dans le mouvement breton. En décembre 2017, Le Peuple breton publiait un article sur la question des mythes nationaux. Cette inauguration est l’occasion d’en faire profiter nos lecteurs…

     

    La politique et l’histoire sont liées. Les deux s’alimentent réciproquement, l’une parce qu’elle fait l’histoire et l’autre parce qu’elle est révélatrice des visions et des décisions passées, dont le politique peut s’inspirer ou qu’il peut au contraire renier. La tentation d’instrumentaliser l’histoire à des fins politiques n’est pas rare. Les figures historiques de Jeanne d’Arc ou Charles Martel n’ont-elles pas été reprises par l’extrême droite française pour servir le mythe de la défense du territoire national ? À travers le personnage de Du Guesclin, Le Peuple breton explore les utilisations politiques abusives.

    Un certain nombre de figures historiques alimentent bon nombre de mythes au service de causes politiques. Celle de Bertrand du Guesclin concerne la France, mais aussi la Bretagne. Issu d’un milieu noble modeste, originaire de Broons au début du XIVème siècle, celui qu’on surnomme « le Dogue noir de Brocéliande » de son vivant réussit à obtenir l’office de connétable de France auprès du roi Charles V.

    Cette charge, qui lui confère le commandement de plusieurs corps d’armée et des responsabilités politiques et militaires réservés d’ordinaire aux princes de sang, témoigne d’une ascension sociale assez remarquable, puisqu’il est étranger de par son origine bretonne et parce qu’il est le cadet d’une famille peu influente jusqu’alors.

    Il sera associé également à la reconquête de territoires français au profit de la France lors de la guerre de Cent Ans. Une gloire par le mérite qui force l’admiration et la jalousie de son vivant, et une gloire immédiate dès sa mort.

    Survenue en 1380 à la fin du siège de Châteauneuf-de-Randon, en Lozère, la mort de Du Guesclin fut rapidement suivie par des hommages royaux avec l’inhumation des divers éléments de son corps à travers le royaume. Malgré sa volonté testamentaire d’être enterré auprès de sa femme au couvent des Jacobins à Dinan, on va en effet procéder à des premières inhumations pour des raisons sanitaires. On retrouve ses viscères au Puy-en-Velay et au couvent des Cordeliers à Montferrand. Le cœur est le seul élément à être rentré en Bretagne, après plusieurs mois de trajet.

    Et c’est sans compter Charles V, qui ordonna que la carcasse soit rapatriée à la basilique de Saint-Denis pour être enterrée auprès des rois de France. Ultime honneur pour ce serviteur de l’État monarchique qui est symbolisé par le gisant toujours visible aujourd’hui.

    Des poèmes et des chroniques fleuriront à sa mort, à l’instar de la chanson de geste de Cuvelier, la Ballade sur le trépas de Bertrand du Guesclin par Eustache Deschamps ou encore des chroniques rédigées par Jean Froissart. Ces cérémonies et ces textes permettront la création d’un mythe qui va servir la propagande monarchique en montrant « Du Guesclin comme le bras armé de la monarchie », pour reprendre l’expression de Laurence Moal. Il incarne de ce fait un triple message post mortem : les vertus chevaleresques pour les nobles, celui d’un héros qui ramène la paix, ainsi que le garant de la consolidation monarchique.

    Ce culte, alors médiéval, va péricliter lors de la Renaissance pour revenir progressivement au XVIIème siècle. En effet, lors du règne de Louis XIII, et surtout de son successeur Louis XIV, la monarchie va jouer sur la promotion des serviteurs de la couronne, notamment véhiculée par des personnalités non issues de la noblesse de sang comme Richelieu, Mazarin ou encore Colbert. On s’appuie alors sur des personnages antérieurs qui, non par une ascendance prestigieuse, mais par leur mérite, ont réussi à prouver leur utilité à la survie et au renforcement de la monarchie. Richelieu fera peindre à titre d’exemple dans la galerie nord-ouest du Palais royal (actuel Conseil d’État) plus de vingt-cinq personnes ayant servi les rois par leurs apports intellectuels ou guerriers. Du Guesclin est l’un d’eux.

    Lors de la Restauration, après plus d’un quart de siècle de vacance royale, on reverra jaillir des commandes d’œuvres, des statues dans le style néogothique ou encore des tableaux de genre historique pour tenter de rattraper tout ce temps perdu pour la monarchie. C’est à ce moment d’ailleurs que l’on verra en Bretagne la fameuse statue sculptée par Molknecht, un artiste d’origine autrichienne, fervent royaliste. D’abord installés à Dinan, la statue et son piédestal hauts de cinq mètres seront ensuite offerts à la commune de Broons.

    Ces rappels constants à l’imagerie médiévale au service de la monarchie expliquent l’oubli de celle-ci à l’époque révolutionnaire. De plus, la volonté de rupture totale avec l’ancien temps lors des premières années de la Révolution peut être considérée comme une période d’iconoclasme, où tout ce qui pouvait se rapporter à l’Ancien Régime devait disparaître. Les dégradations sur de nombreux lieux de culte catholique et de résidences seigneuriales ont été dans de nombreux cas tolérés. Du Guesclin subira ce sort, puisque son tombeau et ceux des autres occupants de la basilique de Saint-Denis seront profanés en octobre 1793.

    La IIe République (1848-1852), accaparée par les problèmes intérieurs et avortée avec l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, ne peut se façonner une mythologie. La IIIème République y parviendra. En effet, au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, les républicains au pouvoir n’auront de cesse de ruminer la perte de l’Alsace-Lorraine et de préparer « la Revanche ».

    L’État va donc replonger dans le passé de l’histoire de France et promouvoir les héros de jadis, afin de galvaniser la population quand viendra l’heure du nouvel affrontement. On garde ainsi avec Du Guesclin l’idée d’unité nationale afin de soutenir l’objectif de la reconquête des territoires perdus en 1871. La comparaison avec la guerre de Cent Ans et l’envahisseur anglais se trouve alors pertinente dans une logique nationaliste. À la seule différence notable que cette fois Du Guesclin et Jeanne d’Arc sont républicanisés afin d’éduquer les nouvelles générations. Les lois Ferry, suite logique de lois sur l’éducation entreprises dès la monarchie de Juillet sous Guizot, donnent lieu à l’école obligatoire ; école de la République qui véhicule un sentiment patriotique grâce aux manuels scolaires d’Ernest Lavisse et de Jules Michelet. Ces historiens de l’École méthodique sont au service du régime pour diffuser leur vision de l’histoire de France, celle de ses grands hommes. Les enfants se familiarisent « ainsi avec les héros de l’histoire, les élèves nourrissent leur imaginaire… parfois au détriment de la vérité historique ». Dans le cas de Du Guesclin, on va insister sur le courage et la force du Breton, mais aussi sur son indéfectible loyauté, le tout pour symboliser la communion entre le peuple et le pouvoir.

    Le support littéraire et éducatif amène là encore une série de représentations de ce mythe républicain, qui se déclinera avec force gravures et dessins de Du Guesclin, mais surtout de manière monumentale, avec des statues à son effigie. Une frénésie va d’ailleurs s’emparer de la France concernant l’édification de statues, toutes rendant gloire à la patrie et aux personnes y ayant contribué à travers les siècles. Une histoire officielle au service d’un État-nation qui s’impose comme tel.

    Cette « statuomanie », comme la décrit Laurence Moal, touche moins les figures guerrières : 10 % entre 1871 et 1914. L’une des explications est que la cuisante défaite de la France face à la Prusse a eu pour effet de réviser la mythologie à entretenir. L’incarnation de la nation devait reposer sur d’autres fonctions, plus politiques ou intellectuelles. Sont épargnés cependant quelques personnages, dont Jeanne d’Arc et Du Guesclin. Le but avec Du Guesclin est de le montrer comme un Breton patriote, défenseur de l’unité nationale, et qu’il faut en conséquence servir le régime actuel, qui lutte pour parvenir à cette unité retrouvée.

    Emmanuel Frémiet, au sommet de sa renommée, notamment par la réalisation de la Jeanne d’Arc place des Pyramides à Paris en 1874 et de la flèche de l’abbaye du mont Saint-Michel en 1897, décide d’entreprendre avec le soutien de la Ville de Dinan et de comités privés la réalisation d’une statue de Du Guesclin. Ce sera chose faite en 1902 et une cérémonie en grande pompe réunit de hauts responsables politiques et militaires, dont le ministre de la Guerre, le général André.

    Frémiet est un nationaliste français, partisan d’un conflit avec l’Allemagne, et ces motivations se ressentent dans son art. La statue montre un Du Guesclin sur son destrier, coiffé d’un casque couronné de lauriers et brandissant une épée, l’image triomphale du guerrier partant à la guerre. Une attitude affirmée par le sculpteur, qui dira de son œuvre qu’elle est « un modèle de force et d’énergie belliqueuse et c’est ainsi qu[’il veut] le [Du Guesclin] représenter ».

    Dès sa création, la IIIème République se prépare à prendre sa revanche sur l’Allemagne et instille ce but à l’ensemble de la population par le biais d’images fortes. Ce n’est qu’après la Grande Guerre que la « statuomanie » disparaîtra, pour laisser place cette fois aux monuments aux morts, afin de commémorer les centaines de milliers d’hommes tombés au combat.

    À l’occasion des 600 ans de la naissance de Du Guesclin, l’Association bretonne, alors centrée sur la promotion culturelle et historique de la Bretagne, invita le maréchal Foch à venir à Rennes en juillet 1921. Une fête se voulant patriotique, où « dans une atmosphère fusionnelle, tous célébrant l’image d’une France unie, désormais victorieuse, dont Foch serait l’incarnation ».

    Foch y prononça un panégyrique du connétable : on rend hommage à « un grand serviteur de la France », l’occasion de rappeler qu’il « avait bien compris que, même dans les temps les plus troubles, un seul drapeau est à suivre, celui de la France ». Un discours patriotique donnant cette illusion d’une France éternelle et victorieuse dès lors que ses forces vives luttaient ensemble. L’anachronisme n’est jamais très loin, puisque c’est davantage une fidélité à un suzerain plus qu’à la nation, conception qui n’arrivera que plusieurs siècles après.

    Il n’empêche, la suite des cérémonies et festivités n’en sont pas moins réussies selon les organisateurs et la comparaison entre les deux hommes se fait sentir sur plusieurs critères. Du Guesclin est breton de naissance, tandis que Foch est breton d’adoption par son mariage. L’un, connétable, avait autorité sur toutes les troupes royales ; Foch, lui, était le général en chef des armées alliées. Tous les deux commandants suprêmes, images de l’homme providentiel ramenant l’ordre et la paix.

    Après la Seconde Guerre mondiale, l’image de Du Guesclin se voit réinterprétée. Sa figure est reprise dans des bandes dessinées, où sa lutte envers les Anglais rappelle la résistance contre l’occupant allemand, faisant de Du Guesclin un héros du mythe résistancialiste. Le support s’adressant aux enfants, on a ainsi le moyen de véhiculer certains messages, et si les BD du genre historique sont légion après-guerre, elles n’en restent pas moins teintées de messages là encore anachroniques. Ainsi, dans des revues comme Vaillant, on peut voir le duc de Bretagne considéré comme un traître à la France et Charles de Blois comme un martyr, alors que la Bretagne était encore indépendante au XIVème siècle…

    Ce mythe, développé essentiellement par les communistes et les gaullistes, on le décèle dans le film Du Guesclin, réalisée en 1948. On y retrouve des personnes terrorisées, voire torturées, durant une période médiévale bien assombrie, de quoi établir facilement un parallèle implicite avec le dernier conflit. Du Guesclin semble être l’homme providentiel et « la tonalité gaullienne du film est renforcée par l’origine pauvre, noble et provinciale de Du Guesclin ».

    De Gaulle, qui bénéficie, comme Foch, de cette aura rassembleuse, n’hésita pas à faire référence à Du Guesclin, notamment lors de son discours à Quimper le 2 février 1969. Il fit allusion à ces Bretons et Bretonnes célèbres pour leur lien avec la France, et dit que « nulle part plus qu’ici on ne fut plus fidèle à la patrie […] quand Du Guesclin, connétable de France, repoussait l’usurpateur anglais ou quand nos reines bretonnes de France, Anne et Claude, recelaient un éternel pilier de l’unité nationale ». De Gaulle instrumentalisait l’histoire en peignant une Bretagne ayant toujours été liée à la France.

    Du Guesclin est restée sous la Vème République de De Gaulle une référence, mais sa renommée diminua dans les consciences et il n’est pas resté une figure emblématique pour la droite conservatrice ou l’extrême droite, cette dernière préférant récupérer l’image de Jeanne d’Arc ou, plus récemment, de Charles Martel. En revanche, si l’image de Du Guesclin va peu à peu disparaître des mythes nationaux français, il va en émerger une autre, radicalement opposée.

    Le romantisme du XIXème siècle donne lieu à une redécouverte pour chaque peuple de ses œuvres anciennes et de son histoire. Il en est de même pour la Bretagne, qui verra des hommes comme La Villemarqué, La Borderie ou encore Paul Sébillot compiler des textes et légendes orales, permettant ainsi aux Bretons de redécouvrir leurs patrimoines littéraires. Ce mouvement culturel s’accompagne, comme partout où le romantisme se diffusa, d’un courant nationaliste qui y voit le socle identitaire d’une émancipation.

    Dès la fin du XIXème siècle, l’EMSAV, qu’on appelle communément le mouvement breton, naît. Très vite, et passée la Première Guerre mondiale, un nouvel EMSAV se définit principalement comme nationaliste et sécessionniste. Les revendications sont radicales, parfois violentes. La volonté de rupture totale avec la France passe par un reniement de tout ce qu’elle a apporté.

    Le mouvement nationaliste breton a eu besoin de héros ou de références historiques témoignant de la gloire passée de la Bretagne ou de son peuple. Il a également eu besoin de contre-modèle pour casser celui proposé par l’histoire officielle, celui de l’État français. C’est alors que Du Guesclin apparaît comme le traître tout désigné. Celui qui, au pire moment de l’histoire du duché, vint à servir Charles V, qui comptait l’annexer.

    L’un des textes les plus emblématiques concernant ce nouveau mythe du chevalier traître à la Bretagne est sans aucun doute l’article du journal Breiz Atao de juillet 1921. Dans ce texte, sans hésitation, Du Guesclin est l’ennemi de la Bretagne : « Par quelle aberration l’Association, qui n’est bretonne que de nom, va-t-elle exalter le souvenir d’un homme qui, s’il avait trouvé en face de lui moins de courage et de ténacité de la part de ses compatriotes, eut avancé d’un siècle et demi l’union de la Bretagne à la France. »

    On a véritablement ici exposée la rupture entre deux visions de l’EMSAV : l’une ancienne, représenté par l’Association bretonne, souhaitant rester dans le cadre républicain, l’autre alors en pleine expansion, révolutionnaire presque, se revendiquant comme l’avant-garde de la nation bretonne et qui souhaite en découdre avec l’État. Pour Alan Cloarec, doctorant en science politique à Rennes 2, « ce texte résume bien la pensée des nationalistes de l’époque, on est en pleine construction d’un mythe national breton que réinterprètent notamment des gens comme La Villemarqué ou La Borderie. Il est bien représentatif de certaines images comme cette vision de Du Guesclin qui va perdurer assez longtemps dans l’EMSAV ».

    Pour autant, il serait bon de s’arrêter sur un épisode important de l’histoire de Bretagne : le retour de Jean IV d’exil face à la confiscation du duché par le roi de France en 1379. Souvent romancé, ce fait marquant a été retenu comme le moment où les Bretons de toutes conditions ont pris les armes afin de sauver le duché de l’annexion au royaume de France. S’il est vrai que Du Guesclin se distingue des autres dignitaires bretons par son choix de rester fidèle au roi de France, l’historien rennais Barthélemy-Amédée Pocquet du Haut-Jussé montre dans son Affaire de Bretagne que bien des grands nobles bretons, comme Jeanne de Penthièvre ou le vicomte de Rohan, ont longtemps hésité à rejoindre le camp du duc de retour d’exil.

    Et que si les grands nobles de Bretagne n’avaient pas leurs intérêts propres menacés par cette affaire de confiscation, l’issue de cette confrontation franco-bretonne aurait été sans doute différente… De quoi mettre à mal le mythe de la sacro-sainte alliance de la noblesse et du peuple breton véhiculé par les nationalistes bretons des XIXème et XXème siècles.

    À l’inverse, Du Guesclin resta campé sur ses positions de fidélité accordées à Charles V. L’issue, on la connaît : Jean IV parvint à s’imposer et Du Guesclin, lâché par ses propres forces, repartit en France vers le sud, où il mourut au service de son roi en 1380.

    Ce qui est important à retenir, comme le souligne Pocquet du Haut-Jussé, c’est que « la restauration de Jean IV sur son trône consolida en Bretagne une dynastie hostile à la couronne ». Successeurs qui durant un siècle marqueront le pouvoir ducal jusqu’à ce que celui-ci finisse par être absorbé par le royaume de France à partir du règne d’Anne de Bretagne. Néanmoins, la dynastie des Montfort restera dans la mémoire de l’EMSAV comme la dernière lignée des grands souverains bretons. La fortification de l’État breton et la modernisation de ses institutions au XVème siècle font de la Bretagne une véritable principauté de la Renaissance, à l’instar du duché de Bourgogne. Cette période, vue comme un âge d’or par les nationalistes, va faire de Du Guesclin non plus un mythe élogieux, mais une légende noire.

    On assiste même, surtout après la Seconde Guerre mondiale, à la destruction de ses effigies. La statue du chevalier dans le jardin du Thabor, à Rennes, celle-là même où Foch déposa une gerbe en 1921, est retrouvée brisée en 1950. Rien ne laisse penser à un acte politique particulier, car aucune revendication ou aucun symbole n’est laissé sur les lieux.

    Cependant, c’est à Broons, la ville de naissance de Du Guesclin, que l’on va assister aux attentats les plus médiatiques. Le 9 février 1977, une explosion détruit entièrement la statue du connétable réalisée par Francis Guinard. L’attentat est alors revendiqué par le FLB. Seule la tête est restée, elle est d’ailleurs encore conservée à la mairie de nos jours. La détonation fut d’une telle force que les vitraux de l’église ont été également endommagés, tout comme les vitres des maisons sur la place centrale. Cette statue, très récente, avait remplacé celle construite par Molknecht, qui subissait les aléas du temps. Mais cette dernière revint remplacer celle détruite, bien que les conseillers municipaux craignaient une récidive de la part des militants indépendantistes.

    On décida alors de la mettre au bord de la RN 12, sans doute pour qu’elle passe inaperçue ou ne pas provoquer de dégâts collatéraux si nouvel attentat il y avait. La récidive fut rapide, puisqu’entre le 11 et le 12 juillet 1988, soit une semaine après l’installation, elle finit décapitée et recouverte de slogan en breton : « Traitour ».

    Ces destructions doivent être considérées comme des messages politiques, celui de refuser la propagande étatique, si toutefois on peut désigner ainsi le cas de Broons, car on est davantage dans le souvenir et la réhabilitation d’une figure locale. Témoignent-elles toutefois d’une haine bien plus profonde, sinon d’une frustration, celle de voir une majorité de Bretons acquis, de facto, à la cause nationale française ? Quoi qu’il en soit, ce mythe au sein du mouvement breton semble encore de nos jours celui qui s’impose.

    Les mythes ont servi et servent encore à appuyer une pensée politique. L’historien d’aujourd’hui doit démystifier ces constructions pour tendre au mieux vers la réalité, quitte à s’attaquer aux romans nationaux. Mais cette démystification suppose qu’il soit primordial d’expliquer le pourquoi de ces mythes et la manière dont les sociétés les ont faits leurs, car, comme le disait le médiéviste Jean Favier, « le mythe fait partie intégrante de l’histoire ».

     

    Article paru dans Le Peuple Breton

     

     

     

     


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