• Une Bretonne portant une Croix de guerre

    Grâce à un appel à témoins passé sur Facebook et relayé par « Le Télégramme », le musée de la résistance bretonne a pu identifier la femme photographiée le 27 juin 1947. France-Info a pu joindre le petit-fils de cette Bretonne dont la famille a été meurtrie par la guerre.

     

    Capture d'écran de l'appel à témoins lancé par le musée de la résistance bretonne de Saint-Marcel (Morbihan). (Musée de la résistance bretonne/Facebook)

     

    Sur la photographie, elle fixe l'objectif sans esquisser un sourire. Croix de guerre épinglée sur sa robe noire, cette Bretonne en costume traditionnel pense peut-être à ses morts, en ce 27 juillet 1947. Ce jour-là, le général de Gaulle est à Saint-Marcel (Morbihan) pour honorer les maquisards bretons, durement frappés à l’été 1944 par l'armée allemande. Ce visage grave, extrait du fonds iconographique du musée de la résistance bretonne du village, a longtemps résisté aux recherches historiques. « Cette figure de Bretonne nous a interpellés par son regard, par ce qu'on devine de son vécu », explique à France-Info Tristan Leroy, conservateur du musée.

    Mais impossible de mettre un nom sur ce cliché. Bloqué dans ses recherches, le musée décide de faire appel aux réseaux sociaux pour identifier la femme à la Croix de guerre. « On s'est dit : Pourquoi ne pas utiliser les réseaux sociaux dont on dit tellement de mal, ça peut fonctionner », retrace le conservateur. Le 11 avril, un appel à témoins est posté sur la modeste page Facebook du musée, suivie aujourd'hui par 2400 personnes. Une première réalisée sans grande conviction. « On n'y croyait pas trop », reconnaît Tristan Leroy. Le public visé, des survivants de cette période, n'est pas le plus connecté.

     

    Un « emballement » efficace

    L'image dépasse très vite le simple cercle des amis du musée. « Tout de suite, cela a été l'emballement. Nous avons reçu des centaines de commentaires, avec des choses plus ou moins pertinentes », se souvient le conservateur du musée. Pendant que l'équipe du musée épluche chacune de ces pistes, la presse locale s'empare de l'affaire. Le 13 avril, Le Télégramme relaye l'appel à témoins dans ses colonnes. « La presse locale était plus adaptée à la cible, explique Tristan Leroy. Mais c’est grâce à l’emballement sur les réseaux sociaux qu'elle a relaté cette affaire ».

    Sur l'île de Groix (Morbihan), Monique Pichot ouvre, comme tous les matins, son journal. « Mon épouse a reconnu tout de suite ma grand-mère, parce qu'elle est du pays, de Plumelec. Je n'avais jamais vu cette photo mais la grand-mère, je l'ai très bien reconnue », raconte à France-Info René Pichot, 86 ans.

    Le petit-fils se souvient de cette journée de juillet 1947. « Sur le chemin, j'ai chuté de vélo et je me suis cassé le poignet. J'avais le bras en bandoulière pendant toute la cérémonie, se remémore-t-il au téléphone. C'était assez émouvant, il y avait un monde fou. »

     

    Une famille décimée par la guerre

    Née en 1878 à Plumelec (Morbihan), Marie-Julienne Gautier, surnommée la « mère Samson », a de bonnes raisons de ne pas sourire sur cette fameuse photographie. Cette Croix de guerre avec palmes qu'elle arbore n'est pas la sienne. C'est celle de son fils, Eugène Morizur, chef des Forces françaises de l'Intérieur (FFI) de Plumelec, exécuté par les Allemands le 12 juillet 1944. Elle aurait pu aussi la recevoir pour son deuxième mari, Ernest Samson, membre des FFI mort en déportation. Ou pour sa belle-fille, pendue par les seins, selon Le Télégramme, pour son petit-fils Robert ou encore deux de ses neveux, tous tués par les troupes du Reich. « C'était une époque terrible. En peu de temps, sa famille a été décimée », résume René Pichot.

    L’histoire de ma grand-mère mérite d’être connue, les gens ne se rendent pas compte de ce qui a pu se passer dans le maquis breton...

    Alerté par Le Télégramme, le musée publie une notice détaillée sur le parcours de cette femme. « Cette photo est bien plus qu’une simple photo anonyme qui ne nous aurait pas été d’une grande utilité, se félicite Tristan Leroy. C'est une photo qui s'incarne, on connaît désormais la somme de souffrances que cette femme a pu endurer et son histoire va nous permettre d'évoquer ces moments douloureux de l'histoire bretonne », Il ne s'interdit pas de refaire des appels à témoins, en cas de nouveaux blocages.

    En plein examen des collections, le conservateur espère inaugurer le 18 juin 2020 un nouveau musée, « incarné », « à hauteur d'hommes » où Marie-Julienne Gautier figurera en bonne place. « Les derniers témoins et acteurs de cette période disparaissent, notre défi est de prendre le relais », estime Tristan Leroy. Dans son pavillon de l'île de Groix, René Pichot fait le même constat, avec d'autres mots. « J'étais étonné que personne ne l'ait reconnue avant. Si je n'avais pas réagi, ils auraient eu du mal à la retrouver, regrette l'octogénaire, avant de réaliser : des gens plus âgés que moi, il n'y en a plus beaucoup ».

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique