•  Autrefois, la Bretagne comptait plusieurs centres de rééducation bretons, publics ou privés. Le plus connu fut l’institution publique de Belle-Île-en-Mer (Morbihan), autour de laquelle s’est forgée la légende noire d’un bagne d’enfants parmi les plus répressifs et répulsifs .

    La "notoriété" de ce bagne pour enfants a éclaté dans les années 1930, lors d’une émeute à l’intérieur de cette prison unique. La presse a alors dénoncé les colonies dites “pénitentiaires” ou “correctionnelles” pour mineurs comme étant des bagnes d’enfants.

    L’institution belliloise, dite de la "Haute Boulogne", est une ancienne colonie agricole et maritime datant de 1880, située sur un terre-plein derrière la forteresse Vauban, au Palais. Elle est définitivement fermée en 1977.

    En août 1934, une révolte éclate sur l’île. Un des enfants, avant de manger sa soupe dans le silence absolu, a ce jour-là osé mordre dans un morceau de fromage. Les surveillants l’ont alors rosé de coups. A la suite de ces mauvais traitements administrés à leur camarade, une émeute éclate au sein de l’institution de Belle-Île-en-Mer, qui provoque l’évasion massive de 55 pupilles. Ce fait divers est suivi d’une campagne de presse très virulente, et va inspirer des intellectuels comme Jacques Prévert, qui écrit son célèbre poème "La Chasse à l’enfant". Il y dénonce la "battue" organisée sur l’île, avec prime de 20 francs offerte aux touristes et aux habitants de Belle-île, pour chaque garçon capturé.

     Extraits :
    "Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

    Maintenant il s’est sauvé

    Et comme une bête traquée

    Il galope dans la nuit

    Et tous galopent après lui

    Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes

    Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

    C’est la meute des honnêtes gens

    Qui fait la chasse à l’enfant..." (Jacques Prévert)

    Entourée par un mur d’enceinte, l’institution se composait d’une série de baraquements disposés plus ou moins en quinconce sur le terrain. Y sont détenus les jeunes d’au moins treize ans condamnés à des peines de 6 mois à 2 ans ainsi que des adolescents détenus jusqu’à leurs 16 ans ou à leurs 21 ans.

    En 1902 la colonie pénitentiaire de Belle-Ile installée à côté de la Citadelle (Le Palais) est agrandie pour accueillir davantage de détenus (117 hectares sur le domaine de Bruté, à cinq kilomètres à l’intérieur de l’île). Le pénitencier compte jusqu’à 320 pensionnaires.

    L’année 1940 marque la fin dans les textes de ce que l’on appelait les bagnes d’enfants. La "maison" de Belle-Ile alors devenue "institut public d’éducation surveillée" (IPES) fonctionnera encore quatre ans.

    En 1945, l’institut est évacué puis Haute-Boulogne reprend du service en accueillant des mineurs coupables d’avoir appartenus à la Milice installée en France par les nazis pendant l’Occupation.

    Fin 1947, l’IPES rouvre ses portes, avec un régime assoupli, plus "éducatif" que "répressif".

     Qui allait à Belle-île ?

     Parce que c’était sur une île, la colonie de Belle-Île s’est retrouvée presque naturellement destinée à accueillir ceux que l’on considérait comme “les plus durs”, les plus insubordonnés.
    Selon Marie Rouanet, les occupants de ces "prisons" pour enfants étaient le plus souvent coupables de petits délits, ou tout simplement indisciplinés. De 1850 jusqu’au milieu du XXe siècle, des milliers de jeunes sont condamnés à la maison de correction, et y subissent de durs châtiments.

    Parmi les délits recensés dans ces institutions françaises, le vol est l’un des plus courants (tuiles d’église, vol de saucisse...). Après une plainte de voisin par exemple, le voyou peut en prendre pour 4 ans !

    Autre exemple, cité par Marie Rouanet, que celui d’un garçon de 12 ans contre qui le curé de Cintegabelle porte plainte. Le jeune homme "fume ostensiblement, ne retire pas sa casquette et tient des propos irrévérencieux au passage d’une procession. Coupable de « trouble à l’ordre public sur le parcours d’une procession et pendant l’exercice du culte », celui-ci est condamné à deux ans de maison de correction".

    Les enfants errants, les mendiants et les petites filles qui se prostituent, sont également enfermés. D’autres encore viennent de l’Assistance publique, après une mauvaise conduite dans leur famille d’accueil par exemple.

    La vie au quotidien

    La journée décrite ci-dessous se déroulait ainsi dans la plupart des institutions pénitentiaires pour enfants en France. On peut donc imaginer qu’elle était semblable à Belle-île.
    Lever à 6 heures du matin avec des exercices d’hygiène rudimentaires. Pour le petit déjeuner, un simple morceau de pain. Puis ils vont aux ateliers agricoles ou dans leur salle de cours, selon la saison. Les jeunes marchent à pied en rang serré jusqu’aux champs, avec interdiction de se parler pendant les huit à douze heures de travaux quotidiens. Pour le déjeuner, du pain trempé dans du bouillon de légumes, et un plat de légumes (souvent secs). Le soir, de la soupe. On imagine le nombre de carences alimentaires...

    En cas de manquement à la discipline, les punitions sont diverses : régime pain sec, piquet dans la position à genoux pendant les récréations, cachot... En théorie, les coups sont interdits, mais les mauvais traitements sont nombreux (coups de ceinture, coups de trousseau de clefs, sévices sexuels).

    Après 1945, une ordonnance sur la protection judiciaire de la jeunesse considère le jeune délinquant comme un individu digne de ce nom. L’enfant est autorisé à sortir le dimanche. L’accent est mis davantage sur l’éducation au détriment de l’apprentissage, lequel a montré ses limites. Des efforts sont fait en matière d’hygiène et d’activités sportives.

    L’institution de Belle-île ferme définitivement ses portes en 1977.





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  • Pour les éloigner de la guerre civile espagnole qu'on espérait courte, ces enfants auront passé plus de vingt temps hors de leur patrie et le retour sera pour certains d'eux trop difficile dans un pays qu'ils ne reconnaissent plus.

    Lundi 26 avril 1937. C'est le jour de marché à Guernica, un bourg de 3000 habitants environ en Pays Basque Espagnol. Les bombes de Franco, qui veut toucher au cœur les Républicains, s'abattent soudain sur la ville qui brûlera aux trois quarts. Quand aux victimes, le bilan en est toujours controversé mais il es forcément élevé. La guerre civile et son spectres d'horreurs sont déjà une réalité.

    Le gouvernement basque, aussitôt par le gouvernement républicain, entreprend une campagne en vue d'éloigner les enfants du territoire espagnol et leur épargner ainsi les affres de la guerre. Plusieurs pays répondent à l'appel dont la France, la Belgique et l'Angleterre. L'URSS donnera son accord plus tard, alors qu'elle compte de très nombreux sympathisants et des combattants – avec ses Brigades Internationales – dans les rangs Républicains.

    Près de 30000 enfants dont beaucoup d'orphelins quitteront leur pays dans un mouvement coordonnés à la fois par le Secours Rouge International, les élans de solidarité créés par les socialistes et les communistes et le ministère de l'Instruction Publique espagnol. Ces enfants proviennent d'un peu partout, du Pays Basque, des Asturies mais aussi de Malaga, Madrid, Terruel, Barcelone, Oviedo et bien d'autres régions d'Espagne.

    Presque tous regagneront leur patrie dès la fin de la guerre excepté les 3000 qui avaient été envoyés en URSS. Pour eux, le destin en a décidé autrement car l'issue du conflit n'a pas été celle espérée par les Républicains.

    Il faut sauver les enfants

    Pendant l'été 1937, quatre navires partent pour l'Union Soviétiques. Ils sont exactement 1996 enfants, âgés de 2 à 15 ans, dont les parents, pour la plupart, militent dans une organisation ouvrière et voient en l'URSS un véritable « paradis terrestre ».

    L'accueil en Union Soviétique est fastueux et la propagande du parti réalisera des reportages destinés à âtre montrés en URSS et diffusés à l'étranger, surtout en Espagne où ils sont projetés dans les mairies, les maisons syndicales ou les sièges régionaux du Parti Communiste Espagnole (PCE).

    Douze maisons pour enfants situées à Leningrad, Moscou, Kiev, Odessa, Kherson et Kharkov les prendront en charge au fur et à mesure de leur arrivée. L'État va dépenser beaucoup d'argent pour leur scolarité, les soins médicaux, les vêtements et la nourriture. Tout sera fait pour « donner à l'étranger une image de prospérité, de largesse et de compassion du peuple soviétique envers les orphelins espagnols ».

    Ici aussi, comme en Espagne, on pense que leur séjour ne sera temporaire et l'enseignement leur ai prodigué dans leur langue maternelle par 213 adultes espagnols, instituteurs et surveillants qui ont accompagné les enfants.

    En marge de leur scolarité, les enfants reçoivent une formation encadrée par les « komsomols » - organisation de la jeunesse communistes – et, deux fois par semaine, on procède au contrôle de leur tendance politique qui sera éventuellement corrigée si elle n'est pas conforme aux orientations idéologiques soviétiques.

    En 1939, la guerre civile espagnole est remportée par les franquistes et les enfants ne peuvent regagner leur pays, par crainte de représailles, alors que ceux hébergés en Angleterre, France, Belgique et Danemark sont bien rentrés chez eux.

    A Moscou, on croit cependant que le régime de Franco va pas durer et on mise sur son effondrement. Les enfants, devenus adolescents, doivent être prêts, lorsqu'ils reviendront au pays, à le guider vers le communisme.

    Alors que certains d'entre eux ont intégré des Universités, ils obtiennent la citoyenneté soviétique « ce qui facilite leurs démarches administratives d'une part et leur intégration de l'autre ».

    Le 22 juin 1941, la radio soviétique annonce l'invasion du territoire par les troupes allemandes et le quatrième anniversaire de la venue des enfants va marquer pour eux la fin « d'un heureux séjour en URSS et le début d'une tragédie ».

    Les 130 plus âgés d'entre eux sont enrôlés dans l'Armée Rouge en tant que soviétiques. 50 tomberont sur le champs de bataille, 47 sont faits prisonniers par les Allemands, 33 seulement survivront.

    Les plus jeunes subiront les restrictions générales, certains contracteront la tuberculose, la malaria et, au total, 251 enfants mourront pendant la guerre.

    En 1945, alors que le conflit est terminé, certains parents espagnols commencent à les réclamer mais l'Union Soviétique n'entretient pas de relations diplomatiques avec l'Espagne, ce qui va compliquer singulièrement la situation. Les ambassades de France, du Mexique ou de l'Argentine parviendront en faire rapatrier certains en 1945, 46 et 47. Puis, brusquement, tout s'arrête en 1948, aucun adolescents ne quittera désormais l'URSS.

    Ces jeunes, résignés à ne plus pouvoir rentrer chez eux, feront leur vie en Union Soviétique. 750 d'entre eux ont reçu une éducation universitaire, d'autres une spécialisation technique. Ils se marient, ont des enfants.

    En 1956, sous Khrouchtchev, certains parviennent à faire parvenir un message au secrétaire général des Nations Unies Dag Hammarskjöld dans lequel ils expliquent qu'ils sont retenus contre leur volonté en URSS. Craignant que cette affaire soit exposée en plein jour et devienne un obstacle à leur politique d'ouverture, les Soviétiques accordent le droit aux « enfants » espagnols de rentrer chez eux, sauf ceux qui travaillent dans l'industrie lourde ou militaire. Vingt ans ce sont écoulés.

    Un retour difficile

    Retrouvailles joyeuses pour les uns mais désillusions pour les autres, car après avoir passé vingt ans hors de leur patrie, ils auront bien du mal à se retrouver chez eux dans un pays qui n'est plus celui qu'ils ont quitté.

    On les dit guettés par la police de Franco qui voit en chacun d'eux un agent du KGB, pressés aussi « par une église catholique omniprésente qui veut imposer à ces sortes d'hérétiques laïques l'évangile par tous les moyens ». Les problèmes d'adaptation se multiplient et, au final, ils seront près de la moitié à vouloir regagner l'URSS pour s'y établir définitivement.

    Au début des années 60, ils seront plus de 200 à se rendre à Cuba pour servir le régime de Fidel Castro. Ils sont ingénieurs ou agronomes et ces ex-Espagnols « deviennent en quelque sorte le fer de lance de la politique latino-américaine élaborée au Kremlin ».

    Ceux qui restent en URSS serviront aussi le rapprochement avec le continent sud-américain. On les trouve au nouvel Institut de l'Amérique Latine de l'Académie des Sciences, fondé en 1961 ou encore dans les divers Instituts (Pédagogique, Commerce Extérieur, Langues Étrangères et Relations Étrangères) comme professeur d'espagnol. Radio Moscou va en employer aux postes de locuteurs, correcteurs, analystes, traducteurs et éditeurs de programmes. Les maisons d'édition proposeront des places de traducteurs, correcteurs ou rédacteurs pour leurs publications en espagnol. « Ces enfants sont venus en URSS pour échapper à une guerre et se retrouvent finalement participant à une autre, plus subtile, où les armes les plus redoutables ne sont pas des armes de destruction, mais les connaissances et les spécialisations mises à profit dans un cadre beaucoup plus large ».

     

    Ils ont été envoyés en URSS en 1937

    Dans son célèbre "Guernica", Pablo Picasso dépeint l'horreur de l'attaque des troupes Franquistes sur la population de cette petite ville du Pays Basques Espagnol

    Cet article est tiré de La Semaine du Roussillon





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