• Les sages-femmes de l’Ancien Régime

    Dans les registres paroissiaux de cette époque il n’est pas rare de constater le rôle de la sage-femme.

    En effet, lors de l’accouchement d’une femme célibataire, celle-ci pouvait révéler à la sage-femme le nom de « l’auteur de son fruit », et cette révélation « dans la douleur » avait preuve de foi.

    Dans d’autres circonstances, la sage-femme avait  le pouvoir d’ondoyer le nouveau-né s’il y avait crainte qu’il ne puisse vivre jusqu’au baptême du curé (dans les 3 jours). Les enfants morts sans sacrement n’accédaient pas au paradis et ne reposaient pas en terre sainte. On en était à espérer un miracle qui, rendant un instant la vie au mort-né, permettrait de lui administrer rapidement le baptême. On invoquait ainsi Notre-Dame de Pontoise, près de Paris, Notre-Dame de Sion en Lorraine, Notre-Dame de Romay, près de Paray-le- Monial ...

    De temps à autre, sur ces mêmes registres, plus ou moins riches en faits divers selon les régions et le curé « journaliste » de l’époque, on peut trouver un acte relatant la réception d’une sage-femme au sein de la communauté. Lors du décès d’une accoucheuse, les femmes se réunissaient chez le curé qui désignait la remplaçante. Le curé en était responsable devant l’Evêque. Il est évident que ses premières qualités devaient être sa moralité et son instruction catholique.

     

    Cependant si certaines savaient signer on ne peut pas dire qu’elles étaient très instruites... Elles devaient prêter serment de :

    S’engager à aider les femmes à accoucher

    Faire appel au chirurgien en cas de nécessité

    De ne pas avoir recours à la superstition (grande période de chasse aux sorcières)

    De ne pas trahir de secrets de famille

    Et de ne pas administrer d’herbes ou autres produits provoquant un avortement.

     

    Elles devaient être elles-mêmes passées par les joies (ou douleurs), de l’enfantement, ce qui leur permettait de mieux suivre un accouchement. Mais il va de soi qu’à cette époque elles n’avaient aucune formation médicale. Dans les campagnes, elles faisaient ce qu’elles pouvaient en fonction des traditions transmises, et de l’étude de la nature. Lorsque l’on étudie les statistiques de l’époque, on constate un taux très élevé de femmes mortes en couches ou dans les jours qui suivent. Un adage de cette époque prétend « qu’une femme enceinte a toujours un pied dans la tombe ». Quant à la mort des nouveau-nés, ou le nombre de malformations, on ne s’étonne pas trop lorsque l’on connaît les habitudes de l’époque : remodeler la tête du nourrisson pour la faire bien ronde, emmailloter serré ou avec force, sectionnement du fil de la langue qui empêcherait l’enfant de téter, ...

    Elles étaient respectées par toute la communauté, recevant plus souvent un salaire en nature (nourriture) qu’en espèces (un texte de 1722 fixe le salaire à 22 sols). Nos aïeux avaient peu de liquidités. En Auvergne, les textes prouvent que les personnes recrutées étaient parmi les personnes en difficulté financière. Il en allait différemment dans les grandes villes, notamment à Paris où une école de sages-femmes existait dans la maternité de l’Hôtel Dieu.

    Fin 17ème siècle un édit royal tenta d’organiser la profession en ordonnant que « les futures sages-femmes se présentent devant la communauté la plus proche de leur domicile ».

    Au 18ème siècle, une femme, Marguerite-Angélique Le BOURSIER du COUDRAY, elle-même maîtresse sage-femme parisienne, créa en Auvergne des cours d’accouchement. A cette occasion les élèves pouvaient utiliser un mannequin représentant une femme enceinte, et sur lequel elles s’exerçaient par exemple à tourner un enfant mal positionné. Des conseils d’hygiène y furent prodigués.

    Cependant cette bonne idée se heurta à l’opposition des chirurgiens qui voyaient d’un mauvais œil cette tâche menaçant leur profession, exercée par des femmes de surcroît. Cependant on peut constater que des apprentis-chirurgiens assistaient aux cours d’obstétrique de la dame du COUDRAY preuve s’il en est de leur utilité.

    Madame du COUDRAY renouvela son expérience dans d’autres provinces, se heurtant aux mêmes difficultés. Seules les grandes villes en tirèrent profit.

    En parcourant les livres d’histoire on constate une fois de plus la régression de la place de la femme dans la société.

    En effet, sous la Gaule romaine, de nombreuses sages-femmes dont le rôle s’étendait au-delà de l’accouchement. Elles soignaient toutes les maladies des femmes. Elles devaient « avoir fait des études littéraires, avoir de l’intelligence et une mémoire fidèle, être studieuses, fortes, ne présenter aucune maladie, ne pas être colères ni dépensières ». On en trouve trace à Nîmes, Lyon et Metz.

    Le Moyen Age, âge d’or des femmes, les voit agir en grande indépendance. On voit des chirurgiennes, alchimistes, apothicaires, ou barbières, artisan, troubadour...

    En province, elles auront cette liberté en reprenant la suite de leur époux décédé.

    En ce qui concerne les sages-femmes, elles remplacent les hommes qui ne veulent s’abaisser à traiter des femmes en mal d’enfant. Dans les villes, il existe des écoles où la maîtresse sage-femme passe un examen devant deux chirurgiens-barbiers et prête serment.

    Au moment de la Révolution, les assemblées rédigeant leurs lettres de doléances réclameront des sages-femmes instruites.

    Mais il faudra encore attendre notre siècle pour que les risques lors d’un accouchement soient infimes.

    Mireille PAILLEUX

    Sources : Accoucher autrefois – Bibliothèque du Travail

    Les femmes et le travail du Moyen-Age à nos jours E. Charles-Roux – G. Ziegler – M. Cerati – J. Bruhat – M. Guilbert – C. Gilles -Edition de la Courtille

    Acte de baptême 26 juillet 1780 Lagny le sec (60)

    Nous soussignés a été présenté ce jourd’hui par Marie Louise Le Bœuf sage-femme de Silly un enfant femelle qu’elle nous a déclaré etre le fruit de Geneviève MARTY de notre paroisse laquelle a déclaré aussi que la ditte Geneviève Marty lui avait dit que son enfant provenait des oeuvres d’un nommé CHAPELLE de la paroisse de Rouvres en Multienne

    Recoin (Isère) 1666 

    Le 21ème décembre 1666 claudine monin et suzanne monin ont estés par les suffrages communs des femmes de ma parroisse choysies pour faire la fonction de sage fames lesquels ont entre mes mains par attouchement du livre des saints evangiles promis de s’acquitter fidellement de cette charge et de ne rien faire contre leur devoir et insy je l’atteste.

    Charreton, curé

    Article paru dans Les bonnes feuilles de la revue du Cercle de généalogie et d'histoire du Crédit Lyonnais


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