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Eugène JOSSET Instituteur libre à Péaule (2ème partie)
Mais laissons la parole à l'un de ses compagnons qui s'est chargé d'apprendre la triste nouvelle au recteur de Quelneuc. La lettre est du 29 mars 1916.
« Il est deux heures et demie de l'après-midi. A une heure environ, Eugène était appelé chez le bon Dieu.
« Hier matin il assistait à la sainte Messe selon son habitude.Il a communié également. Ce matin vraisemblablement, l'heure du ravitaillement ne l'aura pas empêché d'en faire autant.
« A neuf heures du matin, il quittait mon petit bureau, laissant sur la table, ouvert à la page de la Chananéenne la « Vie de Jésus-Christ » de Fouard. J'ai encore toutes ^présentes à l'oreille les réflexions édifiantes que lui suggérait sa pieuse lecture.
« Au milieu du bourg de Duguy, un auto-camion avait dérapé à la culée d'un pont, et un attroupement s'était formé autour de l'auto qu'on essayait de redresser. Le chariot d'Eugène dut stationner.
« A ce moment planait un taube. Il remarqua l'attroupement et y jeta une bombe... Je me trouvais exactement à deux cents mètres de l'endroit, mais séparé par une rangée de maisons. Je m'élançai vers le lieu de l'accident. Des cadavres, des moribonds, le plus lamentable spectacle que l'on puisse imaginer. A côté de deux chevaux éventrés, un homme, la face contre terre, dans les spasmes de l'agonie. C'était Eugène. Je ne le reconnu pas, j'ignorais qu'il fut là, Je lui donnai l'absolution sans le reconnaître. Peu après l'aumônier du groupe. Penché sur Eugène, il l'interrogea, mais en vain. Cependant il vivait toujours, aussi l'aumônier lui donna une nouvelle absolution et l'Extrême-Onction.
« Quelques instants après son corps arriva à l'ambulance, et on put examiner ses blessures. Il avait la carotide droite coupée, et une blessure grave à l'aisselle droite. »
Les funérailles d'Eugène Josset eurent lieu le lendemain de sa mort, elle furent célébrées avec toute la solennité possible. Un chef prit la parole, et, dans un langage plein de foi, fit ressortir les qualités éminentes du défunt. Le commandant du groupe de brancardiers fit venir une couronne, en attendant que les circonstances lui permettent de faire célébrer un service pour lui.
Certes, on peut rêver une mort plus belle, sur les champs de bataille, face à l'ennemi, mais aux yeux du Maître divin qui considère moins le don que la manière de donner, cette mort en service commandé peut-être aussi précieuse, quand elle est préparée et patiemment acceptée.
Livre d'Or du Petit-Séminaire de Ploërmel
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