• Dès le début du XVIIIème siècle, la Bretagne se préoccupe de questions d'hygiène, en interdisant les sépultures dans les églises, puis, plus tard, en transférant les cimetières hors des agglomérations. En avance de plusieurs décennies sur l'ensemble du royaume de France.

    L'inhumation dans les églises remonte au haut Moyen Âge. Réservée, à l'origine, au haut clergé, elle fut ensuite accordée aux nobles, fondateurs de l'église. Puis des paroissiens, bienfaiteurs de l'église, obtiennent la possibilité d'avoir une tombe familiale. La sépulture dans l'église, en Bretagne, progressa dans la première moitié du XVIIe siècle. Bientôt on constata l'accumulation de cadavres dans un espace limité. À Landuvez, quatre-vingt-deux tombes étaient dans l'église. On construisit alors des ossuaires dans les enclos paroissiaux pour recueillir les ossements ; et quand ils furent remplis, on transféra les restes dans une fosse au cimetière. Mais la tradition restait d'ensevelir les nouveaux cadavres dans l'église. La sépulture au cimetière entourant l'église paroissiale était gratuite. Là aussi, on recherchait les meilleures places, se situant contre l'église et près de la croix, présence obligatoire au milieu du champ des morts.

    Les évêchés interviennent

    En 1710, le diocèse de Quimper prescrit : « Nous voulons que l'on accorde gratuitement la sépulture dans les cimetières ; et conformément aux arrêts du Parlement, nous défendons à tous recteurs, curés et prêtres d'inhumer aucune personne dans les églises, à la réserve de ceux qui y ont leur enfeu ». Le diocèse de Saint-Brieuc, en 1723, va dans le même sens : les recteurs « porteront leurs paroissiens à se soumettre aux arrêts qui ordonnent que les enterrements se fassent dans les cimetières et les y engageront encore plus par leur exemple que par leurs paroles, en choisissant eux-mêmes leur sépulture dans les cimetières ». Les cimetières étaient une place publique, un lieu où se rejoignaient le profane et le sacré, avec interdiction « que les merciers soient dans les cimetières, qu'on y expose ou vende des fruits ou marchandises, qu'on y mette aucun meuble profane, que l'on y tienne des audiences, que l'on étende dans les cimetières des linges pour sécher et qu'on y sème aucun grain ». (Quimper 1710).

    Les arrêts du Parlement de Bretagne

    Dès le XVIIe siècle, le Parlement de Bretagne intervient. Le 19 août 1689, il s'inquiète : « La plupart des fidèles sont portés à désirer être inhumés dans les églises et au lieu de contribuer à les entretenir et orner, ils les rendent non seulement malpropres, mais ils en ruinent le pavé d'une telle sorte qu'il en coûte beaucoup pour le réparer ». L'argumentation en faveur de l'enterrement au cimetière est matérielle : le dallage dans l'église est sans cesse démonté et remis inégalement. Le recteur d'Audierne, lors d'un sermon le 10 mars 1658, avait regretté le « défaut d'aplanissement des pierres tombales ». Par contre, l'arrêt daté du 16 août 1719, qui interdit l'enterrement dans les églises, s'appuie sur des arguments nouveaux : « Les maladies contagieuses qui sont dans cette ville (Rennes) font tous les jours mourir quantité de personnes qu'on enterre dans les églises ; ce qui peut augmenter la contagion, le remuement des terres infectées par les corps-morts répandant une exhalaison très dangereuse ». Le Parlement de Bretagne était en avance dans la lutte contre les épidémies, par rapport au Parlement de Paris, qui commanda une enquête aux médecins à ce sujet en 1737, et au Parlement de Toulouse qui rendit un arrêt le 3 septembre 1774 contre la pratique des enterrements dans les églises. Un arrêt de Parlement de Bretagne du 2 octobre 1741 rappelle l'interdiction d'inhumer dans les églises et les chapelles, au moment où une épidémie de dysenterie provoque quatre-vingt mille décès dans la province.

    Contre les odeurs : résine, soufre et chaux

    En 1738, le recteur René Calloc'h, de Gouézec, se plaignait des « inhumations à une si petite profondeur, en se servant pour pierre tombale de dalles d'ardoise, d'une faible épaisseur, si bien que les exhalaisons mortelles se répandaient dans l'église et allaient jusqu'à ternir les dorures du retable ». On est obligé de brûler de la résine et du soufre avant les offices dans l'église de Kerlouan, près de Lesneven, en 1776, tant les odeurs de putréfaction remontaient dans l'église. Le 16 février 1782, la communauté de Quimper décide que dans les cas d'inhumation dans les églises, il sera répandu de la chaux. Les résistances se manifestent, notamment dans le Léon. À Cléder, en 1759, le corps de Marie Guerer est inhumé dans la chapelle du Rosaire, par le mari du beau-frère, alors que les prêtres chantent devant sa tombe creusée dans le cimetière. Des incidents éclatent entre le clergé et les paroissiens à Plounéour-Trez en 1759 et 1765. Pourtant, des personnalités de Plouescat veulent donner l'exemple : en 1774 le Sieur de Kerroch'ic se fait enterrer dans le cimetière, de même, en 1747, le recteur Yves Gallou. Des peines d'amende allant jusqu'à vingt livres sont requises par le Parlement en 1754. Ce n'est qu'à la fin juin 1758 que tous les enterrements se font dans le cimetière à Plouescat. Cependant, le 25 novembre 1762, le corps d'Yves Postec est inhumé dans la nef de l'église par sa famille, malgré l'intervention du Recteur. Les autorités de justice font procéder à l'exhumation de son corps le 23 décembre, pour le faire enterrer dans le cimetière. À Cléder, la résistance demeura jusqu'en 1765.

    L'extension des cimetières

    L'édit royal du 10 mars 1776 prescrit le transfert extra-muros des cimetières urbains, car la crainte de la contagion persistait, les inhumations se faisant à faible profondeur (0,60 à 0,80 m à Crozon). Parfois les cadavres, dans les cimetières intra-muros, les Cordeliers et Saint-Nicolas à Quimper par exemple, apparaissaient lors de grandes pluies. En 1782, sont créés, à Rennes, des cimetières extérieurs. À Plouescat, en 1818, un cimetière communal est implanté à l'extérieur de la localité, près de la chapelle du Calvaire. À Morlaix, suite à la saturation du cimetière Sainte-Marthe, est choisi un nouveau site à Coatserho, en février 1794 et, le 19 mars 1821, celui qui est devenu le cimetière Saint-Charles.


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