• Une noble dame bretonne enterrée pour la deuxième fois... trois siècles après sa mort  

    Photo d'archives prise en 2014 et fournie le 2 juin 2015 par l'INRAP montrant un archéologue examinant à Rennes les restes de Louise de Quengo, noble dame bretonne décédée en 1656 © AFP 

     

    Près de quatre siècles après sa mort en 1656, Louise de Quengo, noble dame bretonne, a été inhumée une seconde fois mercredi dans le cimetière breton de Tonquédec, berceau de sa famille, après la découverte de sa dépouille remarquablement conservée, lors de fouilles archéologiques dans le centre de Rennes. 

    Peu avant 16 h, précédé par l'évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, Mgr Denis Moutel, accompagné de cinq officiants, le cercueil, revêtu d’une étoffe blanche frappée de l’hermine noire bretonne, est entré dans la collégiale au son du biniou, de la bombarde et de la harpe celtique. 

    Dans l’église où avaient pris place plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles des descendants de la famille de Louise de Quengo dont le comédien Guillaume de Tonquédec, une messe de sépulture a été célébrée en mémoire de la défunte, une cérémonie empreinte de sérénité, ponctuée par des cantiques enlevés, interprétés par des chorales de Tonquédec et des communes voisines. 

    Des membres de la famille de Tonquédec, propriétaires pendant plus de deux siècles du château-fort de ce village des Côtes d'Armor près de Lannion, acquis par l’un de ses frères du vivant de Louise de Quengo (1584-1656), ont effectué plusieurs lectures pendant la cérémonie.  

    Le comédien césarisé a ainsi lu un passage du Livre de la Sagesse, rappelant que "la vie des justes est dans la main de Dieu, aucun tourment n’a de prise sur eux". 

    Dans son homélie, Mgr Moutel s'est interrogé sur "ce corps de chair et de sang (…) habité par l'amour, la vie, la souffrance aussi sans doute". "Qui saura sa douceur, qui connaîtra son désir, sa faim de justice", a-t-il dit de celle qui s’était réfugiée dans le couvent des Jacobins à Rennes après le décès de son époux. 

    - 'Difficile de faire parler les morts' - 

    A l’issue de la messe de sépulture, à laquelle assistait Rozenn Colleter, anthropologue de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) qui, la première, avait découvert avec stupéfaction l'état de conservation du corps de Louise de Quengo, la famille et les habitants se sont rendus en procession au cimetière où l'évêque a béni la tombe dans laquelle a ensuite été descendu le cercueil.

    Sur la pierre tombale de granit gris la famille a fait graver : "Cy gît Louise de Quengo, épouse de Toussaint de Perrien, chevalier de Brefaillac. Rennes 1656. Tonquédec 2015". 

    Les termes et la calligraphie de l’épitaphe s’inspirent des inscriptions retrouvées dans une boîte de plomb en forme de cœur dans laquelle se trouvait le cœur de l’époux de la défunte, boîte insérée dans le cercueil de Louise de Quengo découvert il y a dix-huit mois au couvent des Jacobins à Rennes, a expliqué la famille. 

    A l’entrée du cimetière une plaque a été dévoilée, destinée aux visiteurs. Elle conte l'incroyable histoire de Louise de Quengo en breton, en français, en allemand et en anglais.

    Interrogé sur le fait de savoir si la noble dame, petite fille d'un président du parlement de Bretagne, aurait souhaité rester ensevelie à Rennes plutôt qu’à Tonquédec, l’un de ses descendants, le général Pierre de Tonquédec a déclaré aux journalistes: "C’est difficile de faire parler les morts. La première fois, oui, elle voulait être enterrée à Rennes mais ce n’est pas sûr qu'elle (l'aurait, ndlr) voulu la seconde fois". 

    "Elle s’était fait enterrer à Rennes pour avoir la paix, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne l’a pas eue", a-t-il ajouté d’un air malicieux.

    La dépouille de Mme de Quengo, exceptionnellement bien conservée pour le plus grand bonheur de la communauté scientifique, a été découverte en mars 2014 lors de fouilles à l'ancien couvent des Jacobins de Rennes, qui doit devenir le palais des congrès de la capitale bretonne.


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  •   Bruno Isbled, conservateur en chef aux Archives d'Ille-et-Vilaine, à Rennes. Bruno Isbled, conservateur aux Archives d'Ille-et-Vilaine, à Rennes. Ouest-France.

     

    Louise de Quengo, dont la dépouille incroyablement conservée a été découverte 356 ans après sa mort, avait manifesté son souhait d'être inhumée à Rennes.

    Les descendants de Louise de Quengo se donnent un mois pour décider du lieu où sera ré-inhumée leur aïeule, morte en 1656 et retrouvée, en 2014, à Rennes, lors des fouilles archéologiques au couvent des Jacobins.

    Ces secondes obsèques se dérouleront soit à Rennes, soit à Tonquédec (Côtes-D'Armor), berceau familial depuis 1636.

     

    Des manuscrits anciens

    Si Louise de Quengo reposait à Rennes depuis plus de 350 ans, c'est qu'elle en avait manifesté le souhait, soulignent des spécialistes rennais, se basant sur des manuscrits anciens.

     

    Des documents du XVIIe siècle attestent du fait que Louise de Quengo voulait être enterrée à Rennes.Documents du XVIIe siècle attestent que Louise de Quengo voulait être enterrée à Rennes. Photo : Ouest-France.

     

    « Nous n'avons pas retrouvé le testament de Louise de Quengo, daté du 5 mars 1656, mais nous avons mis la main sur plusieurs actes », précise Bruno Isbled, conservateur en chef aux Archives d'Ille-et-Vilaine, à Rennes.

    Dans l'un d'eux, daté du 15 décembre 1649, après la mort de son mari Toussaint de Perrien, elle fait savoir son désir d'être inhumée aux Jacobins, « en l'église dudit couvent de Bonne Nouvelle et spécialement en la chapelle Notre Dame ».

     

    Avec le cœur de son mari

    « Les frères dominicains installés au couvent des Jacobins ont accompagné la fin de vie de son mari, indique Georges Provost, spécialiste de l'histoire religieuse bretonne. Il a été inhumé près de Carhaix mais son cœur est resté sur place. »

    Dimensions et ornement de la pierre tombale, position de la sépulture... Les volontés de Louise de Quengo sont précises. « Elle voulait reposer, avec le cœur de son mari, sous le voeu de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, une pièce d'argent offerte par les Rennais en 1634 pour remercier la Vierge d'avoir mis fin à la peste. »

     

    « Ancrage rennais »

    Louise de Quengo a été enterrée dans une tenue de religieuse, mais a certainement fini ses jours chez elle, rue Saint-Sauveur, à Rennes.

    « Son grand-père a présidé le Parlement de Bretagne, sa grand-mère était dame des Gayeules, bref, son ancrage était rennais », souligne Gauthier Aubert, maître de conférences à l'université de Rennes 2.

    Elle partageait sa vie entre Rennes, Pommeret (près de Lamballe) et Saint-Hernin (près de Carhaix), mais a-t-elle mis les pieds à Tonquédec ? C'est possible, mais les historiens n'en ont pas la preuve.

    Article paru dans Ouest-France


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